Les contes de Mamé |
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Durant lhiver, ils profitèrent de la neige et du gel pour inscrire une excursion style « Paul-Emile Victor dans le grand Nord ! ». Je ne participais pas à cette équipée. La froidure hivernale ne me tentait pas du tout. Puy Baron sous la neige ressemblait aux aquarelles des cartes de vux. La vieille maison, chapeautée de neige se dressait en majesté, appuyée au bois de sapins à la houppelande vert foncé, ourlée de blanc. Par intermittence la neige tombait ajoutant encore un peu de poudreuse ici ou là, comme par distraction. Les flocons aériens frôlaient le visage dans un effleurement tendre et frais, sorte de caresse légère. La neige crissait sous les pas, nos cris et nos rires sétouffaient dans son épaisseur, donnant de la douceur et du mystère à tout. Sans doute ceci était-il trop paisible pour le « club des quatre » ! Un jeudi, jour de congé scolaire, ils partirent à laventure. De glissades sur les petits chemins pentus (les galoches aux semelles de bois étaient idéales pour cela), en batailles de boules de neige, ils arrivèrent à Pierrefitte.
A quelques kilomètres de là, Papa recevait un coup de téléphone du meunier affolé qui le prévenait du danger de noyade pour les enfants. Papa ne pouvait croire que cétaient eux qui sétaient tant éloignés et se risquaient sur létang. Pourtant pas de doute, ils avaient disparu. Laissant ses malades en plan dans la salle dattente, il dut partir les chercher à toute allure. Il arriva à les récupérer avant quun drame ne se produisît. Les chers petits furent vertement tancés et consignés aux abords de Puy Baron. Pour tuer le temps probablement, ou par mesure de rétorsion, les trois plus jeunes sactivèrent avec un extrême plaisir à une occupation tranquille à la maison Ils firent la chasse à tout ce qui avait des poils mais nétait pas animal. Les brosses à cheveux, à habits, à dents, à ongles, le blaireau et même la houppette à poudre aux longs duvets, tout cela se trouva gratifié dune coupe en règle. Ces gentils enfants armés dun rasoir et de ciseaux, coupèrent à qui mieux-mieux, ne laissant que les manches et têtes des brosses. Il y eut du bruit lorsque grand-mère Berthe retrouva ses belles brosses en ébène et argent ainsi scalpées ! Le club des quatre nétait jamais à court didées. Certaines étaient cependant assez innocentes.
Il était de tradition de nous donner une bonne cuillère dhuile de foie de morue tous les jours par périodes. Nous défilions lun après lautre à la salle à manger où grand-mère Berthe appelée « manman Bobotte » nous versait notre ration. Nous ressortions avec précaution pour soi-disant la boire tranquillement à la cuisine. En fait en traversant le corridor nous faisions une escale près du haut poêle en faïence. Cétait là le quartier général de Baumann à qui nous donnions notre huile dégoûtante dont il se pourléchait les babines. Au bout dun certain temps de ce régime, tante paulette sinquiéta pour son chat qui commençait à avoir une bedaine traînant jusquà terre gros Baumann se vit mettre doffice au régime demi-portion par sa maîtresse !
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