LA PLAINE DE POLOGNE
(début août 1944)
 
 






L'armée allemande est en déroute,
talonnée de près par les Russes.
Pour les retarder dans leur avance
des arrière-gardes sont constituées
qui doivent se battre jusqu'au dernier.

C'est comme cela que je me suis retrouvé
dans un commando suicide.
Blessé dans le combat rapproché
J'ai pu m'extirper de la nasse
et repartir sur les traces de mon bataillon
qui était remonté vers le nord,
pour échapper à la tenaille de Varsovie.
J'ai cheminé à travers la morne plaine de Pologne.
Nous étions début août, les moissons étaient faites,
les chaumes s'étendaient jusqu'à l'horizon,
les meules de foins ponctuaient le paysage.
Campagne somme toute idyllique
s'il n'y avait cette odeur de décomposition,
les villages qui brûlaient, le son du canon.
On était bien en guerre; une fois de plus
les hommes étanchaient leur soif de destruction.

Caché le jour dans les meules de foin,
je ne me déplaçais que la nuit
pour éviter les partisans.
J'ai marché inlassablement, entre deux armées,
mais je ne voyais personne.
J'avais l'impression d'être seul au monde
même si de part et d'autre de ma route
des milliers de soldats étaient en mouvement.

Affaibli par le traumatisme de ma blessure,
le manque de nourriture, dans un état second
j'ai fini par tomber sur une patrouille
qui m'a ramené vers l'arrière.
C'était mon salut,
seul, je n'aurai jamais pu rejoindre les lignes.



      © France TARDON/APPRILL