LE CAMP DE PRISONNIERS
 
 
Soldats rescapés du massacre,
prisonniers revêtus des oripeaux du champ de bataille,
sans liberté, sans but, sans mouvement,
comme un troupeau dans les champs,
sous la morsure des frimas d'avril,
trempés par les pluies glacées,
malades, sans soins, à l'abandon,
tremblent, grelottent.

Les jours passent,
les nuits s'ajoutent aux nuits,
interminables.
Affamés, en guenilles,
les gestes lents et rares,
ils dépérissent, se figent,
s'endorment
les yeux grands ouverts vers d'autres firmaments.

Un rayon de soleil
arrête la marche du destin,
Dieu veille sur eux,
leur apporte réconfort et espoir.
Un immense chant silencieux
monte vers le ciel.

Le jour, c'est l'illusion,
la maigre pitance enfièvre
les propos échangés,
fantasmes de grandes ripailles
si longtemps oubliées.
La condition misérable revient violemment
avec l'angoisse profonde.

La nuit, l'ombre les absorbe,
ils disparaissent
couchés dans la terre l'un contre l'autre,
comme autant de gisants;
gémissements et râles se mélangent
dans un requiem hallucinant.
La Faucheuse, d'un pas feutré,
reprend sa flânerie macabre
et racole au hasard.

L'éternité a pris place dans le camp,
ils attendent le jugement dernier
qui les libèrera.

      © France TARDON/APPRILL