Les contes de Mamé

 


ATTILA ZOIZEAU



C’était le mois d’août et toute la famille passait ses vacances au bord de l’océan Atlantique. Nous étions arrivés depuis deux jours, lorsqu’un gros orage s’est abattu sur le Cap-Ferret. Pendant deux heures le tonnerre a grondé et les éclairs se sont abattus partout. Et il a plu sans arrêt avec de grandes rafales de vent qui secouaient les arbres.

Quand enfin tout est redevenu calme Mamé est sortie pour voir s’il n’y avait pas de dégâts. Nous avions loué une villa avec un grand jardin. Tout allait bien, mais soudain Mamé a entendu une longue plainte d’un petit oiseau. Cela venait d’un bouquet de buissons sous les grands pins des Landes. Armée d’une lampe de poche elle a cherché partout et soudain elle a aperçu un minuscule oiseau.

Mamé a réussi à attraper la pauvre bestiole mouillée, tremblante de froid et de peur. II était misérable, sans plumes, avec juste un petit bout de queue, quelques plumes sur les ailes, de longs duvets blancs au-dessus des yeux et un gros ventre tout nu.

Mamé est rentrée avec lui, il avait besoin d’un nid pour dormir et être au chaud, la grande passoire avec des mouchoirs en papier au fond et un couvercle à poser dessus pour la nuit a fait l’affaire. Mais qu’il était petit! Nous n’avions rien pour le nourrir, et il piaillait de faim! Mamé a décidé de mélanger un peu de jaune d’oeuf dur avec de la biscotte écrasée et une goutte d’eau, ensuite elle en a fait des “boulettes” allongées.

Le tenant dans une main, avec l’autre elle a réussi à lui fourrer dans le bec un peu de cette pâtée. Après quelques essais, le coquin a compris qu’il s’agissait de remplir son estomac et il a grand ouvert le bec tout seul. Quand il a été rassasié, il a regagné sa passoire pour la nuit.

Oh ! Misère les vacances commençaient bien avec un bébé oiseau qu’il faudrait nourrir du matin au soir, sinon il crierait sans pitié ! C’était une catastrophe, une calamité comme les Huns du chef sauvage Attila... C’était un Attila Zoiseau! Et c’est ainsi que nous l’avons baptisé.

Attila, malgré ce début dramatique pour sa vie d’oiseau, avait eu la chance d’être recueilli par une famille aimant les bêtes. Nous avons donc emmené partout, lors de nos excursions, notre bébé déplumé dans un panier à salade en maille d’acier. Les bains de mer ont été rythmés par l’obligation de rentrer nourrir l’affamé.

Cahin, caha, les jours passaient Attila commençait à ressembler à un oiseau. Ses plumes poussaient et petit à petit en le comparant à des photos dans un livre, nous avons découvert qu’il s’agissait d’un verdier.

C’était un charmant oiseau de la taille d’un canari jaune, vert et gris-brun. Pour qu’il puisse soigner son plumage tout neuf nous lui avons trouvé une “baignoire“ C’est ainsi qu’Attila a pris son bain régulièrement dans un petit plat émaillé. Il adorait ça, il s’ébrouait dans l’eau et en envoyait partout.

La famille avait décidé que quelques jours avant la fin des vacances, il faudrait offrir sa liberté à Attila. Mais il fallait qu’il sache voler et soit entraîné à le faire. Alors portes et fenêtres fermées en plein mois d’août, Attila a eu le droit de voleter dans la maison. Assez vite il a su traverser les pièces et se percher un peu partout, en particulier sur nous ! Là, par exemple agrippé sur l’épaule de Mamé, il aimait aller se cacher sous ses longs cheveux. A l’abri, au chaud il pépiait, très heureux.

Le temps passait, maintenant c’était devenu un bel oiseau. Il savait décortiquer des graines, pouvait voler et atterrir avec précision. Dans la petite cage à hamster, à défaut d’une vraie, que nous avions achetée, posée devant une fenêtre ouverte, il pouvait voir, écouter et répondre aux oiseaux du ciel.

Notre mois de vacances allait se terminer. Depuis plusieurs jours, Attila dans sa cage, passait du temps près de nous au jardin, observant les alentours et les verdiers sauvages. Par une belle matinée nous avons décidé que c’était le jour « J ».

Nous avions bien montré à Attila, une réserve de graines dehors, placée en hauteur, pour qu’il ne se fasse pas attraper par les chats. Nous ne voulions pas qu’il meure de faim, avant par imitation, de savoir se débrouiller comme les autres oiseaux. Le cœur gros, nous l’avons tous caressé légèrement et Papé l’a pris, a ouvert sa main en la levant bien haut.

Attila Zoizeau, un instant étonné a regardé autour de lui, plus de cage, de murs, de fenêtres fermées, rien… libre... Et tout d’un coup Attila a pris son envol, il est monté, monté toujours plus haut vers le ciel, puis a glissé à tire d’aile pour se poser à la cime d’un très grand pin. Tous ensemble immobiles nous regardions, nous voulions jusqu’au dernier moment voir où allait partir notre jeune oiseau.

Et subitement avant d’avoir réalisé, nous avons vu Attila plonger dans un long piqué vers le sol… et…finir par un atterrissage acrobatique sur l’épaule de Papé ! Avant, en le voyant partir nous avions eu la larme à l’œil, mais là avec son retour tout le monde pleurait d’émotion. Attila Zoizeau ne voulut pas repartir et nous avons décidé alors qu’il allait être un verdier-voyageur. Après les Landes notre oiseau allait découvrir l’Alsace !

Nous sommes repartis pour regagner la région de Strasbourg avec un passager de plus : Attila Zoizeau installé dans son panier à salade. Comme toujours en été, il y a eu des bouchons routiers lors de cette traversée d’Ouest en Est. Nous avons permis à Attila de se dégourdir les ailes lors de ces arrêts.

Il en profitait pour voleter dans la voiture et pour finir estima que le plus intéressant était de se percher sur le volant. Nous rions encore en repensant à la tête des autres automobilistes apercevant l’oiseau qui les observait du haut de son perchoir.

Rentrés à la maison Attila eut une grande belle cage agrémentée de branchages posés dessus ! En effet il avait ses graines et de l’eau dans la cage dont les portes restaient ouvertes. Et il dormait la nuit sur la cage dans les branches.

Le reste du temps il voletait à travers le rez-de-chaussée, avait ses perchoirs favoris en hauteur : le haut des portes ouvertes, armoire, tringles des rideaux, arbre de Noël…Ainsi il pouvait nous observer et lorsque que vous étions à table guetter le moment où nous allions manger des pommes ou des raisins par exemple. Il raffolait des pépins de pomme, se posait à côté de celui qui en coupait une en quartier et prenant un pépin après l’autre allait se percher sur notre tête pour décortiquer son pépin et le croquer.

Notre maison avait un grand jardin et sur le toit du garage qui se trouvait sous la fenêtre de la cuisine au printemps suivant une compagnie de verdiers est venue picorer les miettes. Pour qu’Attila et eux apprennent à se connaître nous l’avons mis dans sa cage près de la fenêtre ouverte. Ils faisaient de vrais concours de chant, sifflant, trillant, tant et plus.

Mamé pensait que la belle saison serait bien pour relâcher Attila. Elle avait une amie qui s’occupait d’un refuge pour les oiseaux. Cette personne avait une dame verdier dans le même cas. Nous l’avons prise et mise avec Attila. A bout de quelques jours les deux oiseaux étaient devenus amis. Ils ont assez vite montré qu’ils avaient envie de rejoindre les verdiers sauvages qui se venaient près de leur cage.

Un jour ensoleillé du mois de mai après avoir fait un discret trait de vernis à ongle rouge sur une de leur patte pour les reconnaître au début, nous leur avons ouvert la fenêtre. Madame verdier élevée en grande volière, plus indépendante a très vite choisi la liberté ! Attila a hésité un moment sur le bord de la fenêtre, il est rentré puis ressorti, a entendu son amie qui appelait perchée dans un arbre du jardin et là il a pris son envol pour la rejoindre parmi tous les verdiers.

Toute la famille était émue mais heureuse de voir qu’Attila avait retrouvé une vraie vie d’oiseau. Pendant plusieurs semaines nous avons revu Attila zoizeau qui venait avec les autres picorer graines et miettes. Il se posait sur le rebord de la fenêtre sifflait et trillait à pleine gorge comme pour nous dire bonjour.


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